L’expression “avoir le béguin” est aujourd’hui couramment utilisée pour décrire un état amoureux naissant, une attirance spontanée envers une personne. Ce terme, chargé d’une certaine légèreté, évoque le charme, l’émotion et l’émerveillement ressentis au début d’une relation amoureuse. Mais quelle est l’origine de cette expression si poétique ? Pour comprendre ses racines, il faut remonter dans le passé, aux XIIème et XVIème siècles, et s’intéresser à des contextes inattendus : des religieuses pieuses jusqu’aux maisons closes.
L’origine religieuse du mot “béguin”
Le terme “béguin” trouve son origine au 12ème siècle, au sein d’un mouvement religieux apparu à Liège sous la direction du prêtre Lambert le Bègue. Cet homme de foi, désireux de réformer certains aspects de la vie ecclésiastique, fonda le couvent des béguines, une communauté de femmes pieuses qui vivaient en marge des traditions religieuses conventionnelles. Contrairement aux religieuses traditionnelles, ces femmes ne prononçaient pas de vœux définitifs, mais elles se consacraient tout de même à une vie spirituelle.
Les béguines portaient un couvre-chef particulier, une coiffe en toile légère appelée “béguin”, qui symbolisait leur dévotion et leur engagement envers Dieu. Porter ce béguin revenait donc à s’identifier visuellement à cette communauté semi-religieuse. Rapidement, le terme “s’embéguiner”, qui signifiait au départ “se coiffer d’un béguin”, a évolué pour prendre une connotation plus figurée, symbolisant le fait de s’éprendre de quelqu’un. En effet, tout comme ces femmes se consacraient à Dieu, le mot a progressivement commencé à désigner une personne “aveuglée” par l’amour, presque égarée par ses sentiments. Ainsi, l’expression “avoir le béguin” a pris un sens sentimental qui perdure encore aujourd’hui.
Une transformation dans l’argot du XVIe siècle
Au fil des siècles, l’expression a continué d’évoluer, se détachant peu à peu de son origine religieuse pour pénétrer le langage populaire. Dès le XVIème siècle, on retrouve la formulation “avoir le béguin à l’envers”, qui suggère une confusion, un bouleversement intérieur. Cette tournure amusante semble faire allusion à une inversion du couvre-chef des béguines, symbolisant un trouble profond, voire une perte momentanée de raison.
C’est également à cette époque que l’expression “avoir le béguin” s’ancre définitivement dans l’argot amoureux. La signification est alors plus légère, souvent associée à un engouement amoureux soudain, mais jugé parfois ridicule ou excessif. À l’époque, on se moque des personnes qui s’entichent trop facilement, un peu comme on sourit aujourd’hui devant l’exubérance des premiers émois amoureux. L’idée de tomber amoureux “comme on tombe malade”, de manière involontaire et irrépressible, est une image puissante qui se cache derrière cette expression.
Cependant, cette expression est restée relativement marginale jusqu’à son retour inattendu dans un contexte très différent plusieurs siècles plus tard.
Le retour du béguin dans les maisons closes
Étonnamment, l’expression “avoir le béguin” a refait surface au XIXème siècle, mais cette fois-ci dans un univers très éloigné de la piété des béguines : celui des maisons closes. Ces lieux, fréquentés par des hommes en quête de plaisir charnel, devinrent un terrain fertile pour cette expression, bien loin idées romantiques liées aux relations humaines. Les jeunes femmes qui y travaillaient, souvent venues de la campagne, semblaient redécouvrir cette vieille tournure, probablement transmise par les traditions rurales où le terme béguin était encore usité.
Dans ce contexte, “avoir le béguin” ne désignait plus seulement un coup de foudre innocent, mais également l’attachement sentimental, parfois excessif, que ces femmes pouvaient développer pour leurs clients. Il ne s’agissait plus d’un amour chaste et spirituel comme au temps des béguines religieuses, mais d’un sentiment plus complexe, mêlant intérêt, séduction et parfois une vraie affection. La légèreté de l’expression correspondait parfaitement à l’ambiguïté des relations dans les maisons closes, où les sentiments pouvaient être à la fois authentiques et éphémères.
C’est ainsi que l’expression s’est répandue dans l’ensemble de la société, touchant toutes les classes sociales. Bien que son sens premier ait évolué, “avoir le béguin” est resté ancré dans le langage courant, utilisé aujourd’hui pour décrire les premiers émois amoureux, que ce soit dans le cadre d’une rencontre, d’un flirt ou d’une relation plus profonde.
Pour conclure : Comment exprimer “son béguin” ?
Exprimer son béguin peut parfois sembler difficile, surtout lors des premiers émois amoureux, avant même un premier rendez-vous galant. La meilleure approche reste l’authenticité. Que ce soit par des mots ou des gestes, l’essentiel est de rester sincère et naturel. Dire ouvertement à l’autre ce que l’on ressent, même de façon simple, est souvent le moyen le plus direct de faire comprendre son attachement. Un compliment sincère, une attention particulière ou simplement un sourire peuvent déjà montrer l’intérêt que l’on porte à la personne.
Outre les paroles, les actions sont aussi un excellent moyen d’exprimer son béguin. Passer du temps avec l’autre, lui montrer de l’intérêt en s’intéressant à ses passions ou en étant présent dans les moments importants permet de renforcer le lien. Les petites attentions, comme offrir un cadeau symbolique ou proposer des activités à deux, sont également des moyens discrets mais efficaces de déclarer ses sentiments sans pression.
Enfin, il ne faut pas hésiter à adopter une approche progressive, adaptée à la relation et aux personnalités en jeu. Certaines personnes préfèrent un aveu direct et spontané, tandis que d’autres privilégient des signaux plus subtils avant de dévoiler complètement leurs sentiments. L’essentiel est d’être attentif à l’autre, de respecter son rythme et de créer un espace où la réciprocité des émotions peut s’exprimer en toute confiance.
R.C.